Quand j’ai étudié l’Histoire avec un grand H, celle d’Aménophis IV, de Charles Quint, d’Otton 1er mais aussi des Seldjoukides, mais oui, vous savez les membres de cette tribu d’origine turque de la branche des Oghouz qui a émigré du Turkestan vers le Proche-Orient au milieu du Xie siècle jusqu’à la fin du XIIIe siècle (je ne fais pas ma pédante, si je sais ça, c’est que j’ai tiré au sort le sujet sur les Croisades à l’examen d’histoire de maturité fédérale, sorte de BAC suisse, et l’expert qui m’interrogeait avait tiqué quand j’avais parlé des « Turcs Seldjoukides ». Il m’avait demandé de préciser ce point, ce que j’avais trouvé gonflé sachant qu’on avait dû réviser toute l’histoire de l’humanité depuis le Paléolithique, que c’était déjà assez compliqué comme ça de me rappeler les dates principales et les faits marquants des Croisades sans avoir à détailler les origines ethniques ni les arbres généalogiques de tous les acteurs en présence ! J’ai dû lui donner une réponse satisfaisante car j’ai obtenu un 6/6 :o)), je me suis demandé comment les gens de la vie de tous les jours, soit tous ces anonymes qui n’ont laissé aucune trace de leur passage dans les manuels ni sur Wikipedia, traversaient les périodes ravagées par les guerres, les disettes et les pandémies mondiales comme la peste noire, la suette anglaise, le choléra, la variole, le typhus, la grippe espagnole et la Covid-19.
Maintenant, je sais et je dois dire que cela ne se passe pas trop mal pour moi parce que j’ai la chance de capter la 5G de n’avoir pas encore perdu de proches à cause de ce f**tu virus de mes deux. Je croise les doigts.
Lors du Grand Confinement de 2020, pire récession économique depuis la Grande Dépression de 1929, ma copine et Moi avons commencé à cuisiner ensemble des plats du terroir. D’abord pour des raisons pratiques parce qu’il est difficile de s’envoyer une pleine marmite de choucroute tout seul, ensuite parce que les établissements étant fermés et les rassemblements limités, c’était une manière pour nous de créer un minimum de lien social.
Cette fin de semaine, nous avons préparé un papet vaudois et une tarte au nillon ou nion et pommes caramélisées que l’on prononce « ni-hon » et pas « gnion » comme moi, deux spécialités du Canton de Vaud. Vous trouverez facilement la recette du papet vaudois sur Internet ainsi que celle de la tarte au nillon de noix et pommes caramélisées du Chef doublement étoilé Stéphane Décotterd du Pont de Brent, que l’on prononce « Brun » pas « Brent » comme cela s’écrit (décidément, le vaudois oral, c’est compliqué ;o)).
Trouver des oignons, des pommes de terre et des poireaux que ma copine Madame prononce « porreaux » en cette saison n’est pas difficile, ça l’est un peu plus pour les saucisses aux choux et le nillon qui est du tourteau de noix en français de France. C’est à la Foire de Brent « Brun » que j’ai découvert un bloc de nillon « ni-hon », une spécialité de Suisse Romande issue du pressage des noix, que l’on peut croquer tel quel si l’on a des bonnes dents ou utiliser sous forme de poudre en pâtisserie dans des gâteaux ou en crumble.
Pour la tarte, j’ai réalisé pour la première fois une pâte sucrée qui était tellement simple à préparer au Thermomix que je me suis dit que je n’achèterai plus jamais de pâte à tarte de ma vie. La seule variante que j’ai apportée à la recette du Chef Décotterd est que j’ai remplacé le sel par de la fleur de sel de Madagascar. La tarte n’est donc pas totalement IGP, comme une des saucisses aux choux qui venait de l’excellente boucherie Blanc à Châtel-Saint-Denis dans le Canton de Fribourg contrairement à celle de la boucherie Suter que j’ai trouvée dans l’épicerie Minestrone à Montreux.
« Alors, ça goûte quoi ? » me demanderaient les Canadiens et les Belges francophones.
Le papet vaudois goûte la pomme de terre écrasée et le poireau « porreau » cuits dans de l’eau et du vin blanc mélangés à du hachis de saucisse épicé avec du chou aigrelet, apportant un jeu de texture et de mâche, qui seraient réveillés par un trait de vinaigre en fin de cuisson pour l’acidité, L’ensemble est visuellement peu attrayant et ferait un bon sujet pour une revisite dans Top Chef ;o)
Quant à la tarte au nillon et aux pommes caramélisées, j’ai été agréablement surprise par la légèreté de la mousse de nillon de noix que je pensais être un vrai « étouffe-chrétien » mais ce n’est pas un dessert qui me ferait me relever la nuit. Je n’apprécie pas forcément toutes les spécialités du terroir, même si je les trouve intéressantes, et préfère de loin une bonne tarte aux pommes traditionnelle.
La prochaine fois avec ma copine Madame, on s’attaquera à la fondue et aux meringues à la double crème de Gruyère, spécialité du Canton de Fribourg, qui n’est pas de la crème de fromage, mais une crème tellement riche (45 % de matières grasses), épaisse et onctueuse que ceux qui n’en ont pas goûtée ne connaissent pas encore tous les plaisirs de la vie ! Imaginez la texture crousti-moelleuse d’une belle meringue suisse associée à la Rolls de la crème qui affleure à la surface du lait entier de vaches après la traite et vous aurez une idée du côté sublime de ce dessert.


