Les possibilités de se divertir étant limitées en période de pandémie comme je l’écrivais dans mon article précédent, je me suis retrouvée assez vite à court de choses à faire à la maison. J’avais déjà réduit bon nombre de mes achats (un achat par semaine) et de mes possessions, mes vêtements étaient triés et pliés au carré, mes komono étaient stockés dans des boîtes façon ©Konmari, j’avais brossé mon corps, bu du thé en regardant la pluie tomber ;o) et pris un bain chaud comme Dominique Loreau, dans quelle autre activité pouvais-je donc bien me lancer ?
« Stéphanie, tu pourrais peut-être arrêter de t’agiter et prendre le temps de profiter de la vie » me conseillait maman. Je suis sûre qu’elle avait raison mais je n’ai toujours pas compris ce qu’elle entendait par « profiter de la vie. » J’ai l’impression que je profite de la vie tous les jours en m’accordant mes petits et mes grands plaisirs. Apprendre, expérimenter et avancer font partie de mon ADN, je crois.
Après le tri, le rangement et le brossage du corps, il était temps que je découvre les « joies » du nettoyage, une activité que j’ai longtemps sous-traitée à la femme de ménage quand j’habitais à Pully. Je me suis demandé s’il était possible d’aimer exécuter les tâches ménagères comme de faire du sport et de courir un marathon, synonymes pour moi de nécessité (sauf pour le marathon) et de beaucoup de souffrance.
J’ai donc acheté le livre « A Monk’s Guide to a Clean House and Mind” (en anglais uniquement. Je lis indifféremment en français ou en anglais) du moine bouddhiste Shin japonais Shoukei Matsumoto (je n’ai pas trouvé de titre similaire écrit par une mère au foyer ou un moine trappiste de l’Ordre des Cisterciens). Les moines japonais passent environ 2h chaque jour à nettoyer, ce qui garantit une sacrée expérience dans le domaine. Ce qui m’a intéressée, c’est leur rituel de nettoyage et le lien entre la concentration nécessaire pour effectuer la plus infime de leur tâche – la plus importante étant le nettoyage des toilettes – afin d’arriver à une purification de l’âme et à une tranquillité de l’esprit. Autrement dit, plus tu manies ta panosse (= serpillière en vf), plus ton intérieur reluit et plus tu es content !
Il y a des éléments que je ne vais pas retenir comme par exemple, l’achat d’un costume Samue en coton, d’une serviette Tenugui à nouer sur la tête et des sandales Setta fabriquées en iguesa, matière utilisée pour la confection des tatamis, parce que je ne suis ni nonne ni japonaise. Je ne vais pas me raser la tête non plus ni me nourrir dans un set de six bols Orioky. Je vais également garder mon armée de petits robots et continuer à utiliser mes produits d’entretien habituels (Jemako, mon amour) même si les moines bouddhistes n’utilisent que de l’eau, du bicarbonate de soude et un peu de savon pour nettoyer leurs temples.
En revanche, il y a plein de conseils qui me parlent, comme par exemple :
- Nettoyer et ranger chaque jour ce que j’ai utilisé dans la journée (bon, maman me disait ça aussi).
- Garder les jours contenant les chiffres 4 et 9, appelés Shikunichi, pour réparer ce qui est cassé et ceux finissant en 3 ou en 8 pour nettoyer les endroits auxquels on ne pense pas ou qui sont difficiles d’accès comme les lampes ou le haut des armoires. Pourquoi ces chiffres, je l’ignore.
- Ouvrir les fenêtres avant de commencer chaque session de nettoyage qui est un bon moyen pour se connecter à la nature. Les jours de pluie, on nettoie l’intérieur de la maison et on s’occupe de l’extérieur (balcon, terrasse, jardin, allées) quand la météo le permet, ce qui est d’une logique imparable.
- Célébrer les saisons en changeant de garde-robe deux fois par année le 1er juin et le 1er octobre, le mot garde-robe n’étant pas tout à fait approprié pour un moine puisqu’ils reçoivent trois tenues en tout et pour tout, une d’été et une d’hiver : une pour le ménage, une pour la vie de tous les jours et une pour les cérémonies. Je peux me plier à cette coutume en observant la date des soldes en Suisse, par exemple, solde d’été (23 juin – 20 juillet) et solde d’hiver (12 janvier – 8 février) :o) Oui, je suis bassement matérialiste.
- Porter des vêtements blancs par-dessus des sous-vêtements blancs pour une sensation de fraîcheur et de netteté comme si « le vent frais soufflait sur le corps » (sic), ce qui oblige les moines à faire la lessive tous les jours, ce qui ne sera pas mon cas (vive les machines à laver le linge !). Je n’exclus pas la possibilité de porter des sous-vêtements en dentelle noire ou colorée pour élever mon degré de sexytude mais il est évident que les moines n’en portent pas.
- Pratiquer la pleine conscience quand je me brosse les dents et fais ma toilette, prépare mes repas en lavant et en rangeant les ustensiles au fur et à mesure que je les utilise, fais pipi-caca en m’émerveillant sur les extraordinaires fonctionnalités de la machine merveilleuse qu’est mon corps qui s’auto-nettoie tout seul (je ne plaisante pas, il y a un chapitre sur le sujet ;o)).
- Dédier une place pour chaque objet que je possède. Le moine Shoukei Matsumoto préconise aussi « d’écouter les objets » comme Mari Kondo « parce qu’ils savent ce qui est bon pour eux » (oui, oui, l’étincelle de la joie, tout ça). L’animisme doit être un concept très japonais. Je pense que si on doit communiquer avec les objets après la communication avec les humains, les esprits et les animaux, on n’est pas rendu ! ;o)
- Être plus attentive à la nature et à mon environnement en humant l’air qui change en fonction des saisons, en écoutant le chant des insectes et des oiseaux qui nous indiquent quelle heure il est dans la journée (attendez, il est rouge-gorge moins le quart), en ressentant sur ma peau les bienfaits du froid et de la chaleur, en me nourrissant en fonction de ce que la terre veut bien nous donner et en ne gaspillant pas les ressources.
- Procéder à un nettoyage de printemps une fois par année (les moines japonais le font en décembre). Pour cela, j’aime beaucoup le rituel du grand nettoyage de la maison avant Pessah, la Pâque juive, où on met tout sens dessus dessous, rien ne reste à sa place, on vide tous les placards de la cuisine de tous les aliments et on nettoie tout jusqu’à la moindre petite poussière !
J’ai eu beaucoup de plaisir à lire ce petit guide, joliment illustré, qui expose la vie quotidienne dans un monastère bouddhiste avec simplicité et humilité. J’ai aussi enfin compris pourquoi ma mère coréenne versait de l’eau dans son bol de riz avant de le boire après avoir terminé son repas, ce que je trouvais déroutant ! Cela vient d’un rituel bouddhiste qui consiste à gratter avec une spatule les miettes des récipients qui ont servi à se nourrir, du plus grand contenant au plus petit contenant, pour les boire ensuite en y versant de l’eau ou du thé. Rien n’est gaspillé et on peut ensuite essuyer le bol avec un linge propre avant de le ranger.


