S’interroger sur la vie minimaliste de Fumio Sasaki

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Dans le dernier Matin Dimanche, journal dominical de Suisse Romande, j’ai lu avec beaucoup d’intérêt un article consacré à Fumio Sasaki, un Japonais auteur de Goodbye Things, un énième livre sur le minimalisme.

Comme pour la méthode de Marie Kondo, j’ai résisté à la tentation de me ruer dans la première bibliothèque venue pour l’acheter (vous ai-je dit que je me suis débarrassée de tous mes Dominique Loreau à part un ou deux ?) au profit de quelques recherches sur Internet. Dès qu’on parle de minimalisme, je me doute bien que je vais trouver des conseils pour vivre avec un minimum d’objets, la fameuse liste « d’un caleçon, trois paires de chaussettes et deux T-shirts » et un environnement dépouillé et toujours blanc. Je caricature mais une fois de plus, je ne me suis pas trompée au vu des articles de presse et des photos de l’intérieur de M. Sasaki et de ses amis qui proclament tous combien ils sont plus heureux depuis qu’ils pratiquent l’art du vide. Comme si les soirées chips, bière et saucisson affalé sur le sofa devant GoT, c’était mal.

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Une salle de bain de prison… oups, non, une salle de bain minimaliste ! Sans rideau de douche, je ne vois pas comment on peut se doucher sans inonder toute la pièce mais peut-être Fumio Sasaki ne prend que des bains ?
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Le minimalisme, ça fait de très belles photos zen. Ce tiroir ressemble plus à celui d’un minimaliste occidental qu’asiatique. On y trouve un tire-bouchon, un couteau, une fourchette et des cuillères et pas de baguettes, étonnant !
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Le contenu du meuble de la salle de bain aperçu plus haut. Ca passe pour un homme ou pour une femme qui ne se maquille(nt) pas et qui ont la boule à zéro mais un pot de crème hydratante ne serait pas superflu. Quant à la brosse à dents et au dentifrice, j’espère qu’ils sont stockés quelque part ;o)
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Beaucoup d’Asiatiques vivent à même le sol mais pour le confort, c’est assez limite. Chez ma mère coréenne, on dort, on mange et on s’asseoit aussi par terre mais je n’ai jamais réussi à m’asseoir sur les talons ou à m’accroupir sans me tortiller dans tous les sens avec des fourmis plein les jambes. Ces positions ne sont donc pas génétiques et ma famille très compréhensive tolère que je m’asseois en tailleur ou allonge les jambes devant moi, ce qui est mal vu et plutôt vulgaire pour une fille en Asie !
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L’alliance du peu avec l’esthétique me parle beaucoup !

J’ai toujours beaucoup de plaisir à découvrir ces modes de vie monacales mais je m’interroge sur la réalité de leur application sur le terrain. Je ne peux pas croire que les enfants de Bea Johnson ne réclament pas du Coca, une PS4, un paquet d’Oreo et des Pokémon Go comme leurs copains ou alors ils sont brimés des mutants ; je me demande comment s’habille Fumio Sasaki en hiver quand les températures polaires s’abattent sur le Japon s’il n’a que « quatre T-shirts, quatre paires de chaussettes, trois chemises et cinq paires de chaussures » (j’espère pour lui qu’il a une veste chaude, un bonnet, une écharpe et des gants) ; je doute que tous ces gourous du « less is more » suivent leurs préceptes à la lettre sans jamais craquer, une fois l’exposition médiatique retombée et quand ils se retrouvent seuls derrière leurs murs nus qui ressemblent à une maison témoin au mieux ou à une cellule de prison au pire. Le savoir me rassurerait sur leur nature humaine, à savoir faillible, qui est plus intéressante pour moi que la perfection.

Puis, pourquoi ce blanc uniforme constant ? On ne peut pas être minimaliste et choisir une blouse à volants, porter des escarpins roses, prendre ses repas dans une unique assiette verte et lire à la lumière d’une lampe dorée ?

Urban Nomad Kit du designer mexicain Gerardo Osio. Ce kit est le genre d’achat que j’aurais fait spontanément à l’époque en me disant : « Il me le faut et tout de suite » ! C’est très beau mais il est rare que je débarque à un endroit où je n’ai pas de lit et j’aurais préféré une couverture ou un sac de couchage au lieu d’un tapis. Autant dormir au chaud sur un sol dur plutôt que de dormir sur un sol dur en ayant froid, non ? Par ailleurs, rien n’empêche de se préparer un paquetage identique et personnalisé si l’on en a envie !

J’étais minimaliste bien avant que cela ne devienne une mode, pour preuve j’ai débarqué chez lui avec mon chat Kimchi sous le bras, une valise de vêtements, un bureau dont je ne veux plus car trop massif et une chaise de designer alors que j’ai vécu longtemps seule dans un appartement vide de 2,5 pièces plus cuisine et salle de bain. Je n’étais pas heureuse pour autant, bien au contraire, et il me manquait ce que Lui m’a appris à aimer : le confort ! Quel bonheur de rêvasser dans un canapé large et profond, de dormir sur un matelas épais de Palace, de m’emmitoufler dans un gros plaid en laine quand il fait froid, de boire un Moscow Mule dans une tasse en cuivre et du champagne dans une flûte en cristal !

Je me réjouis pour tous ces auteurs minimalistes d’avoir trouvé leur voie qui n’est pas la mienne. Je n’aurais jamais « beaucoup » d’affaires (quoique… Tout est relatif, par rapport à quoi et à qui ?) comme je vous l’ai montré ici. Je ne suis pas attachée aux objets à part quelques-uns dont la bague de maman et ne crains pas de tout perdre pour recommencer à zéro – ça me plairait presque, c’est un scénario auquel je réfléchis souvent – mais j’ai du mal avec les discours et les comportements extrêmes. J’aime expérimenter, tâtonner, tourner en rond, me tromper beaucoup, revenir sur mes convictions et suis parfaitement incapable de suivre une ligne de conduite. Au final, le summum du minimalisme ne serait-il pas d’arrêter de donner de l’importance à ce qu’on a (ou pas) ?

(c) All photos: Internet.

10 réflexions sur « S’interroger sur la vie minimaliste de Fumio Sasaki »

  1. Ah si, je vois des baguettes dans ce tiroir ! elles sont si bien rangées qu’elles en deviennent invisibles.
    Il est vrai que la limite dans le discours minimalisme est la quasi condamnation de tout comportement futile, léger, joyeux, dicté par le seul plaisir des sens. Un intérieur dépouillé est agréable. Ou flippant. Faut voir.
    Auparavant je me disais : voici enfin une mode qui ne coûte pas cher à celui qui la suit. Pas si sûr, vu le nombre de livres en vente sur le sujet.
    Quant à Dominique Loreau… beaucoup, beaucoup trop de « il faut »/ »tu dois » dans ses formules. Teintées d’une touche ménagère de plus ou moins cinquante ans : « la femme devrait »…
    La femme comme l’homme ne pourraient-ils pas se faire une soirée pizza si le coeur leur en dit ? 🙂

    1. Tu as une très bonne vision, bravo ! Je viens de les voir mais je pensais que c’était une séparation de tiroir. Je trouve ta remarque tout à fait pertinente et je te remercie pour m’avoir indiqué ce qui posait problème pour moi et que je ne savais pas exprimer par rapport au minimalisme : la condamnation par les plus extrêmistes d’entre-eux de tout ce qui est futile, léger et joyeux. Même les moines, qui n’ont pas grand chose, ne vivent pas dans une telle austérité. Parfois, certaines dérives minimalistes représentent pour moi une espèce d’anorexie mentale et visuelle ou alors une réponse à une culpabilité latente ou alors une façon de montrer sa supériorité du genre : « J’ai tout compris et pas toi ! »

      Quant à DL, j’aimerais beaucoup la rencontrer en vrai pour savoir si elle est comme dans ses livres. Ce que je trouve amusant, c’est qu’elle prône une vie plutôt saine mais semble accro à la cigarette :o) Bon, nobody is perfect et c’est plutôt rassurant.

      Quant à une soirée pizza, oh oui !!!

  2. Comme ta réflexion le laisse entendre, je trouve aussi que le minimalisme, c’est bien en concept et en photos. Mais dans la réalité, je pense que c’est un peu plus compliqué! D’ailleurs, si on n’a que deux t-shirts, on fait comment les cinq autres jours de la semaine? 😉 J’ai beaucoup aimé ta dernière phrase :

    Au final, le summum du minimalisme ne serait-il pas d’arrêter de donner de l’importance à ce qu’on a (ou pas) ?

    Un minimalisme de l’esprit plutôt qu’une obsession de possession (ou de non possession dans ce cas), est, à mon sens, la meilleure définition qui soit. Bises!

    1. Ouh, bonne question pour les 2 T-shirts ! Euh, tu en laves un tous les soirs pour qu’il soit propre le lendemain ? Ou alors, tu ne les laves pas et tu pries le ciel de ne croiser personne pendant le reste de la semaine :o) Je pense que tout dépend de notre mode de vie. Si l’on vit dans un coin reculé sans aucun voisin, il est certainement possible de vivre avec deux t-shirts et 1 pantalon toute l’année et je pense que malheureusement, c’est le cas pour certains miséreux sur cette planète mais justement, c’est des miséreux et ils n’ont pas le choix, eux ! Bref, profitons de ce que nous avons et soyons heureux ! Bisous.

  3. Coucou 🙂 Comme promis je viens te livrer mon avis sur le livre de Fumio Sasaki 😉
    J’ai aussi lu beaucoup d’articles à son sujet et je ne les trouvais pas représentatifs de l’esprit du livre. Finalement je crois bien que le meilleur article que j’ai pu lire à son sujet était celui paru sur letemps.ch.(https://www.letemps.ch/opinions/2016/06/23/rien-philosophie-minimalistes-japonais)
    Voilà donc mon humble avis 😉 : J’ai bien aimé son livre parce que justement ce n’est pas une méthode avec « pour être un bon minimaliste, il faut… tu dois… ». C’est plus le partage de son expérience personnelle (et aussi celles d’autres japonais qu’il cite en exemple) et de ce que cela lui a apporté.
    J’ai bien aimé qu’il mette des photos de son appartement avant, pendant et après. Cela rend plus réaliste son évolution dans le temps.
    Il écrit sur un ton humoristique en se comparant souvent à un vieux smartphone qui essayait de faire tourner les dernières applications à la mode. C’est un grand fan de Steve Jobs apparemment. Mais cela fait sens lorsqu’il explique qu’en tant qu’ancien collectionneur compulsif il ne s’en sortait plus et n’arrivait plus à gérer toutes ses possessions.
    Je trouve intéressant qu’il explique que toutes ces collections n’avaient pour but que de donner aux autres une certaine image de lui-même (intellectuel, artiste…).
    Il explique que maintenant il possède peu, mais que au contraire ça ne pose pas de problème pour sa vie sociale : il retrouve ses amis au restaurant, loue des vêtements pour partir auX sports d’hiver… Je trouvais aussi intéressante son explication sur le fait de considérer l’environnement extérieur comme une extension de son logement. Tu ne le possèdes pas, mais cela n’empêche pas de profiter de l’usage (par exemple considérer le supermarché comme le stock du garde-manger, profiter du canapé moelleux du café d’en-bas…).
    En conclusion, j’ai bien aimé ces nouvelles pistes de réflexion et surtout que rien ne soit dicté. Chacun doit pouvoir prendre et appliquer ce qui lui convient. Et rassure-toi avec une famille (et des animaux maintenant), je suis bien loin de vivre dans cet état de minimalisme avancé. Cela m’aide simplement à me concentrer sur l’essentiel.

    1. Merci pour ton éclairage ! En fait, j’ai surréagi par rapport à la mode du minimalisme où tout est vide et blanc avec plus ou moins 100 objets, capsule wardrobe, etc., que l’on trouve sur Internet. Pour moi, c’est un peu comme la mode des vernis à ongles il y a quelques années où tout le monde parlait de ça pour ne plus en parler aujourd’hui jusqu’au prochain phénomène.

      Je suis heureuse pour Fumio Sasaki si cela lui a permis de s’en sortir et s’il se sent bien dans sa vie, c’est le but premier d’une telle démarche ! Après, je me méfie toujours des extrêmes et me demande si son mode de vie est viable à long terme, mais ça, c’est à lui de voir. Ce qui me dérange aussi un peu, c’est de devoir louer les affaires des autres. Ca l’arrange bien mais au final, c’est quand même les autres qui doivent acheter et stocker le matériel quelque part. Bien entendu, on peut louer l’équipement de ski pour les sports d’hiver et il y a des entreprises de location pour ça mais des vêtements ? Ca me fait penser à cette vieille dame qui a écrit un livre pour dire qu’il était possible de vivre sans argent mais quand on creusait un peu plus loin, on se rendait compte qu’elle vivait dans la maison d’un Monsieur qui l’hébergeait gratuitement. Idem pour les personnes qui s’installent dans des yourtes mongoles et qui profitent du champ, de l’eau et de l’électricité d’un agriculteur qui lui, supporte, toutes les charges ou les personnes qui partent faire le tour du monde sans un sou en poche mais qui profite de la générosité des personnes qu’ils rencontrent sur leur chemin. Il y a quelque chose qui me dérange mais je ne saurais pas trop dire quoi. Peut-être parce que j’ai été élevée dans l’idée que personne ne nous devait rien et que je devais compter que sur moi pour gérer ma vie ?

      Sinon, j’aime beaucoup l’idée de considérer l’environnement extérieur comme une extension de son logement. Je n’y avais pas pensé mais il faut aimer vivre tout le temps dehors alors que j’aime bien me réfugier dans mon petit coin à moi. Merci en tout cas pour ton commentaire très instructif. Bisous.

  4. Bonjour,
    Je tombe par hasard sur votre blog …. Je suis parisienne avec 3 ados et un appartement forcément trop petit pour 5 …. sauf depuis que j’ai lu D Loreau et applique ses « préceptes » …. Depuis, tout va mieux, j’ai gagné de l’espace, du temps et de l’argent sur ce qui NOUS semble inutile !. Et c’est ça le plus important, le minimalisme, c’est en fonction de chacun. Si certains peuvent sembler extrémiste, c’est leur affaire si cela les rend heureux . Pour nous, c’est d’abord une manière de consommer, et oui un ado peut se passer de coca et de jeux vidéos ou de télé (je n’ai rien de tout ça !). Par contre, pour nous, un ado ne peut se passer de livres, de presse écrite, de musique ou de cinéma ….Maintenant, nous partons avec un bagage cabine chacun pour 3 semaines de vacances. Le minimalisme, C’est un choix de consommation. C’est se contenter du minimum nécessaire selon chacun. Personnellement, cela a totalement modifié ma vision des choses et ma consommation. À bientôt

    1. Bonjour Stéphanie, je suis contente de lire que vous avez trouvé votre équilibre avec le minimalisme. Nous n’avions pas de coca ni de TV à la maison non plus mais cela me manquait quand même car il y avait plein de dessins animés que mes copines de classe voyaient et que je ne connaissais pas. Je compensais en lisant beaucoup mais j’aurais aimé vivre une enfance « comme tout le monde. » Quant aux possessions, j’ai aussi ce que j’appelle mon minimum, je suis partie au Japon avec une valise de 10 kg à peine, toutes affaires confondues pour 15 jours de voyage + poids de la valise alors que j’en avais droit à 35 kg mais cela ne m’intéresse pas forcément de savoir si l’on peut faire mieux ou pas. Parfois, j’ai l’impression que cette démarche ressemble au « concours » de celui qui aura le moins et cela me dérange un peu, puis, on ne sait jamais quelle est la réalité qui se cache derrière tout ça. J’ai toujours eu tendance à me méfier de ceux qui se donnent en exemple mais ce n’est que mon point de vue. Je vous souhaite une bonne continuation !

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