Comme tout le monde, j’ai été choquée par l’annonce brutale de la guerre en Ukraine et des conséquences atroces sur la population civile, source d’angoisse pour beaucoup de monde dont le moral a déjà été mis à rude épreuve pendant les deux ans de pandémie que nous avons vécue et qui n’est pas encore terminée. Ici, nous n’avons pas affaire à l’imprévisible comme une chute de météorite, un tremblement de terre, l’invasion des extra-terrestres, l’éruption d’un volcan ou un tsunami mais à un conflit créé par l’homme et qui peut donc s’arrêter demain si on le veut tous bien.
Je pense que ceux qui n’ont pas subi la guerre ni même la menace de la guerre froide qui a vu la chute des régimes communistes en Europe en 1989 et la dislocation de l’URSS en 1991 n’ont pas la moindre idée de l’horreur que cela représente de risquer sa vie et de fuir sous les bombes mais ce n’est pas pour autant qu’il faut minimiser l’impact sur les « victimes collatérales » que nous sommes, la peur et la souffrance n’étant ni quantifiables ni comparables.
J’ai commencé par m’affoler en lisant les journaux et en écoutant les experts s’exprimer à la télévision puis, je me suis calmée en me disant que je percevais la guerre en Ukraine différemment de celle en Syrie ou au Soudan du Sud en raison de sa proximité géographique et de l’impact potentiel sur ma propre vie et je m’en suis voulue parce que la situation des personnes attaquées est ignoble partout ! Je me suis dit aussi que réagir sous l’emprise de l’émotion n’était jamais une bonne idée et j’ai fini par considérer les événements avec du recul et un œil objectif.
Sachant que je suis impuissante à résoudre quoique ce soit dans la pandémie (je ne suis ni virologue ni médecin) et dans la guerre (je ne suis ni militaire ni stratège en géopolitique), j’ai pris de la distance avec les médias, les finances, la politique et les opinions des uns et des autres pour me concentrer comme d’habitude sur le ici et maintenant.
Ici et maintenant, le soleil brille, je profite de la liberté retrouvée et sors beaucoup puisque les mesures anti Covid-19 mis en place par la Confédération Helvétique ont toutes été abandonnées sauf le masque dans les transports publics jusqu’à fin mars. Les jours s’allongent et la température se réchauffe, nous allons vers le printemps. Je me balade en ville et au bord du lac et je compte bientôt cueillir des herbes sauvages dans la nature pour agrémenter mes repas avec de la dent de lion (pissenlit en vf), de l’oseille sauvage, des orties, de l’ail des ours, etc.
Ici et maintenant, je travaille depuis chez moi avec une sécurité de l’emploi jusqu’en 2032 au moins sauf si le monde part en cacahuète, mes placards de cuisine et mon réfrigérateur sont vides mais je ne stresse pas parce que les supermarchés regorgent de victuailles et de biens de première nécessité. Je continue à manger mes fruits et mes légumes, je cuisine quand j’en ai envie, vais au restaurant de temps en temps et me réjouis de préparer bientôt des bentos et des pique-niques pour les manger dans les bois.
Ici et maintenant, je me sens aimée et protégée. J’ai deux toits sur la tête, je ne risque pas l’expulsion puisque je suis propriétaire, je ne manque de rien et n’ai pas de dettes, je vis dans le bien-être et le confort. Les chats sont en parfaite santé, jouent et font le nécessaire pour se reproduire, je tricote en regardant mes émissions préférées à la TV (Top Chef, Vikings, Netflix), écoute des podcasts avant de m’endormir, prends soin de mes orchidées, réfléchis sur l’agencement de ma salle de bain et l’organisation des espaces de rangement.
Ici et maintenant, je me dis que j’ai la chance de mener une vie aussi belle ! Je veux rester positive et confiante dans l’avenir. L’humanité a traversé tant de tragédies et de catastrophes au fil des siècles malgré son extrême fragilité, je crois dans le génie humain qui a toujours su rebondir.
Ici et maintenant, je laisse à d’autres le soin d’écrire l’Histoire avec un grand H. De mon côté, je suis heureuse de figurer parmi ces milliards d’anonymes qui ne laisseront aucune trace de leur passage sur terre et vais tout faire pour le rester.
Ici et maintenant, je me dis que cela ne sert à rien de craindre le pire. Je ferai avec.
